Les taux hypothécaires sont à un niveau historiquement bas : explications !

par / 03 September 2019
taux historiquement bas

En juillet 2016, c’est-à-dire il y a trois bonnes années, les taux des marchés financiers étaient déjà à un niveau aussi bas qu’actuellement. Mais à une différence près: aujourd’hui, les hypothèques coûtent beaucoup moins cher. Quels sont les facteurs à l’origine de cette différence de coût? Comment le marché hypothécaire s’est-il transformé ces dernières années et quelles sont les évolutions prévisibles?

Le 7 août 2019, la nouvelle est tombée: le taux swap sur dix ans a atteint un nouveau niveau historiquement bas en Suisse, avec –0,52 pour cent. Entre-temps, les taux du marché des capitaux ont continué à descendre, principalement en raison de craintes de récession. Le swap à dix ans a même atteint –0,68 pour cent le 15 août. Il est donc logique que les taux hypothécaires atteignent également un nouveau niveau plancher. Concernant l’hypothèque à taux fixe de dix ans, la durée la plus fréquemment choisie, le taux d’intérêt de référence proposé (1,04 pour cent) au 19 août a chuté d’un énorme 47 points de base depuis le début de l’année. Pour les hypothèques de 15 ans, on atteint même une baisse de 93 points de base.

Les taux de référence indiqués dans le graphique sont les taux indicatifs moyens de plus de 100 banques, compagnies d’assurance et caisses de pension. Cependant, les meilleures conditions actuellement en cours de négociation par le groupe MoneyPark sont bien en dessous de ces valeurs: pour une hypothèque à taux fixe de dix ans, le meilleur taux négocié est actuellement de 0,60 pour cent, soit 44 points de base de moins que le taux de référence moyen.

Les différences par rapport à la situation des taux d’intérêt en 2016

2016: des taux d’intérêt du marché des capitaux aussi bas, mais des taux hypothécaires nettement plus élevés

Si l’on remonte un peu plus loin dans l’histoire, on constate que les taux d’intérêt sur les marchés des capitaux avaient déjà atteint des niveaux presque aussi bas en juillet 2016, c’est-à-dire il y a environ trois ans. À l’époque, les taux d’intérêt sur le marché des capitaux avaient chuté, notamment à la suite de la décision de la population du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne. Les réformes structurelles indispensables dans le sud de l’Europe ont également eu un impact négatif sur l’évolution de la conjoncture en Europe.

Cependant, les taux hypothécaires étaient nettement plus élevés à l’époque. Les hypothèques à taux fixe de dix ans coûtaient, par exemple, environ 40 points de base de plus que le taux de référence actuel. Il s’agit d’une énorme différence pour un emprunteur hypothécaire: pour un financement hypothécaire de 700 000 francs, il en résulte une différence significative des charges d’intérêts de 28 000 francs sur toute la durée du prêt.

Alors pourquoi les taux hypothécaires baissent-ils actuellement beaucoup plus fortement qu’en juillet 2016? Nous pouvons avancer les raisons suivantes:

  • Les emprunts obligataires suisses de premier ordre ne représentent plus une alternative en termes de rendement
    Le rendement des obligations de la Confédération à dix ans a désormais atteint environ –1,0 pour cent. À titre de comparaison: en juillet 2016, ce rendement était de –0,62 pour cent, soit environ 40 points de base de plus. Cette différence est imputable à un spread de crédit (différence de rendement) qui est actuellement nettement plus élevé en raison de la demande sensiblement supérieure de placements dits sans risque. Cela fait grimper les prix et fait sombrer les rendements plus profondément dans les valeurs négatives. Si les investisseurs institutionnels sont à la recherche d’une alternative de placement qui comporte un risque aussi faible, les hypothèques immobilières de premier ordre représentent une bonne option.
  • L’abaissement des barrières à l’entrée du marché amène de nouveaux prestataires et accroît la pression sur les marges
    ​Désormais, certains intermédiaires financiers offrent un soutien précieux dans cette catégorie d’immobilisations, inconnue de beaucoup, en particulier des petites caisses de pension et des fondations de placement. Et ce, tout au long de la chaîne de création de valeur, du marketing à la vente, en passant par la tarification, jusqu’au traitement de l’hypothèque. Un autre avantage réside dans le fait que le placement du capital peut être effectué de manière très rapide et flexible.

    D’après notre expérience, de nombreux clients institutionnels entrent en territoire inconnu lorsqu’ils pénètrent sur le marché hypothécaire. La possibilité de bénéficier d’un paquet complet avec des services tout au long de la chaîne de valeur est donc une condition fondamentale à l’entrée. Depuis début 2017, le groupe MoneyPark a accompagné pas moins de dix caisses de pension et Institutions de prévoyance sur le marché hypothécaire.

    Par conséquent, le nombre de prestataires hypothécaires a considérablement augmenté. Les petites et moyennes caisses de pension et les fondations de placement sont notamment entrées sur ce marché. Bien qu’elles ne représentent encore qu’une faible part en valeur absolue, elles jouent désormais un rôle mesurable, notamment en termes de volume dans les nouveaux contrats hypothécaires, en particulier pour les échéances plus longues. Elles veillent à élargir le choix destiné aux emprunteurs hypothécaires, contribuent à accroître la concurrence et la pression sur les prix dans le monde des prestataires.

    Le développement du portefeuille de prestataires du groupe MoneyPark le confirme de manière impressionnante: alors que la part du volume des hypothèques à taux fixe de dix ans généré par les caisses de pension était inférieure à 1 pour cent en 2016, elle est passée à plus de 30 pour cent au cours du premier semestre de 2019.

  • Tous les signaux laissent présager que l’environnement des taux d’intérêt fortement négatifs persistera pendant plusieurs années
    Il est devenu évident, en particulier ces derniers mois, qu’il n’est plus possible d’investir dans des placements à rendement très faible ou négatif. Pour obtenir le rendement requis, les caisses de pension doivent procéder à des réallocations dans leurs portefeuilles d’investissement.

    En tant que spécialiste hypothécaire, nous remarquons que, depuis début 2018, certains investisseurs institutionnels ont décidé de réduire ou de ne pas développer davantage leur portefeuille obligataire en Suisse. Toutefois, ces réallocations en faveur de la classe d’actifs hypothèques prennent un certain temps et doivent être bien planifiées. Nous supposons donc que le volume des hypothèques de ces institutions continuera d’augmenter au cours des prochains mois et des prochaines années.

  • Les placements directs dans des biens immobiliers de rendement comportent des risques plus élevés
    En 2016 déjà, la situation était difficile du point de vue des investisseurs sur le marché suisse de l’immobilier de rendement. Mais depuis, elle s’est accentuée à cause de trois aspects: tout d’abord, la suroffre d’appartements locatifs ne cesse d’augmenter. Deuxièmement, cette suroffre ne peut plus être facilement absorbée compte tenu du solde migratoire, parfois négatif, et des perspectives économiques sombres. Troisièmement, cela se traduit de manière négative sur le potentiel de rendement de la classe d’actifs «biens immobiliers de rendement» par des taux d’inoccupation plus importants accompagnés de niveaux de prix élevés. Dans un tel environnement de marché, les grandes compagnies d’assurance ayant des «perspectives d’éternité» sont plus susceptibles de s’affirmer, tandis que les petits et moyens investisseurs, institutionnels et privés, le font plus difficilement. Cela signifie qu’ils doivent réallouer davantage leurs investissements. En l’absence d’opérations obligataires classiques, la classe d’actifs «hypothèques immobilière», qui n’implique aucun coût de couverture de devises, constitue la seule alternative à l’activité immobilière directe.
  • L’économie mondiale est en bien plus mauvaise posture
    La situation macroéconomique mondiale s’est considérablement détériorée, principalement en raison du conflit commercial beaucoup plus long et plus intense que prévu entre les États-Unis et la Chine et de divers défis régionaux en Europe et en Asie. Aujourd’hui, tous les signaux en provenance des États-Unis indiquent un fort ralentissement économique. Il en va de même pour la Chine, dont l’économie a connu une croissance de 6,2 pour cent au 2ème trimestre 2019, la croissance la plus lente depuis près de trois décennies.

Courbe des taux d’intérêt inversée sur le marché des capitaux

La majoration des taux d’intérêt sur les échéances plus longues se réduit de plus en plus

L’évolution de la courbe des taux d’intérêt est également impressionnante. Si le supplément (spread) pour une hypothèque de 15 ans était encore de 1,12 pour cent par rapport à une hypothèque de deux ans début 2019, cette majoration relative à l’échéance a diminué de plus de trois quarts pour atteindre désormais à peine 0,28 pour cent. La différence entre les hypothèques à taux fixe de deux et dix ans ne représente que 12 points de base.

Les taux hypothécaires sont à un niveau historiquement bas : explications !

Par exemple, un emprunteur hypothécaire ne paie aujourd’hui que légèrement plus pour une hypothèque à taux fixe de 10 ans qu’au début de 2019 pour une hypothèque de 5 ans.

Nous constatons désormais que les taux sur le marché des capitaux de deux à neuf ans sont plus bas que ceux du marché monétaire à douze mois. Une courbe inversée des taux d’intérêt est ainsi apparue dans ce domaine. Ce phénomène est un signe très fort que les acteurs du marché des capitaux s’attendent à une crise de l’économie mondiale au cours des prochaines années, voire même à des tendances à la récession en Europe.

Gagnants et perdants du contexte de taux bas

Les primo-acquéreurs potentiels de la classe moyenne n’ont rien à y gagner, au contraire

En effet, les coûts réels d’accession à la propriété s’éloignent de plus en plus des modèles de calcul des coûts les plus rigoureux au monde.

Les nouvelles baisses de taux hypothécaires et la poursuite de la hausse modérée des prix de l’immobilier ne font qu’aggraver cet écart. De nombreux primo-acquéreurs potentiels de la classe moyenne risquent d’échouer dans ce projet et de ne pas pouvoir réaliser leur rêve d’acquérir une maison. Ils sont, par ailleurs, «doublement pénalisés», car les loyers ne suivent pas la tendance des taux d’intérêt les plus bas. Si l’on compare ces dernières années, les propriétaires suisses avaient déjà des frais courants nettement inférieurs à ceux des locataires. Cette tendance se renforce actuellement. Cependant, les personnes à revenu élevé et/ou les acheteurs potentiels fortunés en profitent, paradoxalement, à double titre: en plus de satisfaire aux critères, ils bénéficient de taux d’intérêt historiquement bas.

Les investisseurs institutionnels ont un avantage sur les banques

En raison de plusieurs facteurs, les investisseurs institutionnels ont un avantage sur les banques hypothécaires traditionnelles. D’une part, en raison des coûts de garantie et de refinancement des fonds propres qui ne sont pas encourus ou pas en totalité. Ils peuvent exploiter cet avantage, par exemple, sous la forme d’une influence dominante en matière de prix. D’autre part, ils ne doivent pas «défendre» un portefeuille à très forte marge. Les banques se rémunèrent auprès de leurs clients existants. Si la différence entre les conditions de leurs nouveaux clients et celles de leurs clients existants augmente, même le client suisse existant extrêmement fidèle peut potentiellement commencer à comparer les conditions hypothécaires et ainsi réaliser son potentiel d’économie. De plus, les investisseurs institutionnels sont en mesure d’ouvrir, d’ajuster ou de conclure leurs offres hypothécaires de manière très flexible. Si le capital alloué aux prêts hypothécaires est sur le marché, un tel prestataire peut également se retirer du marché pendant une courte période.

Mais le choix de la classe d’actifs «hypothèques» par l’investisseur est également une question d’opportunités. Il existe donc aussi la possibilité d’acheter des emprunts moins avantageux. En période de taux d’intérêt très bas, le risque de défaillance est également très faible et permet même aux entreprises dites zombie (entreprises très endettées et non rentables avec peu de chances de succès) de survivre.

Perspective

De nouvelles réductions des taux d’intérêts hypothécaires réalistes pour les hypothèques à taux fixe
  • À l’heure actuelle, tous les indicateurs suggèrent une nouvelle baisse des taux d’intérêt sur les marchés des capitaux. Un nouvel abaissement des taux directeurs de la Banque centrale européenne a déjà été clairement annoncé pour septembre. En fonction de l’évolution du franc fort, il est fort probable que la Banque nationale suisse fasse de même. Si les craintes de récession en Europe et aux États-Unis, qui sont devenues plus courantes au cours des dernières semaines, se concrétisent, la plongée des taux d’intérêt sur les marchés des capitaux, même si elle s’accompagne de mouvements contraires, devrait conduire à un approfondissement de la question.
  • Les investisseurs institutionnels cherchent désespérément des placements alternatifs en raison du déclin du rendement des obligations de premier ordre en francs suisses.
  • En l’absence d’alternatives présentant un risque aussi faible, nous supposons que d’autres prestataires institutionnels entreront sur le marché hypothécaire, mais aussi que les prestataires actuels continueront de faire avancer leurs réallocations des obligations vers les hypothèques.
  • Cela devrait accroître encore la pression sur les taux hypothécaires. Nous prévoyons d’autres concessions tarifaires, principalement pour les échéances à long terme de dix ans ou plus.
  • Si toutes les banques se coordonnaient pour introduire des taux d’intérêt négatifs sur les avoirs en compte d’épargne, les hypothèques pour les particuliers devraient logiquement être émises à taux zéro. Nous pensons toutefois qu’il reste encore un long chemin à parcourir: les mesures d’incitation à l’endettement augmenteraient encore considérablement et il serait presque impossible pour les investisseurs institutionnels de réaliser un placement sûr, sans perte de capital.
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